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Le concept québécois des îlots : un échec

La méthodologie d'analyse urbaine fondée sur le concept des îlots limite les possibilités de planification urbaine, car cette méthode se borne à faire porter l'étude des faits urbains sur des entités géographiques arbitrairement délimitées.

L'expression du mécontentement des contribuables et citoyens du quartier Neufchâtel-Nord de la Ville de Québec a soulevé un certain nombre de questions dont celle concernant la planification urbaine de la Ville de Québec. Cette ville qui est l'un des joyaux du patrimoine mondial ne parvient pas à saisir les données nouvelles qui marquent actuellement les conditions de sa (dé) croissance interne.

Depuis deux décennies, les édiles municipaux et certains fonctionnaires influents ont tendance à faire valoir pour la Ville de Québec son caractère historique et patrimonial. Consciemment ou inconsciemment, ils en font une ville musée. Selon leur raisonnement, Québec = Vieux-Québec. Tout converge sur cette cible.

Alertés par le moindre signe de changement, les groupes de pression arborent fièrement l'étendard de la défense du Vieux-Québec, mais ils ne voient généralement pas plus loin que cela en termes de planification urbaine. L'importance du site aveugle toute perspective d'organisation sociale dans un ordre spatial donné.

Personne de la région de Québec ne met sérieusement en doute l'importance de l'arrondissement historique de Québec. Tout comme personne ne croit vraiment faire du secteur des Rivières ou du Mesnil le pôle d'attraction des touristes japonais!

Ce que le monde ordinaire ne comprend pas, c'est qu'après des efforts colossaux qui s'étalent sur près de 20 ans (et qui équivalent à des investissements de toute sorte de l'ordre du milliard de dollars depuis dix ans), on ne voit pas l'ombre encore d'un plan économique d'ensemble pour le Vieux-Québec et sa périphérie immédiate.

Une méthodologie vieille de 20 ans à réviser

Tout est traité d'une façon parcellaire. Il suffit de voir à quel point on abuse du concept d'«îlot» pour concevoir un quartier ou un secteur de la ville (cf. îlot Saint-Patrick, d'Aiguillon, tous les îlots de l'espace Saint-Roch, etc.). Or cette méthodologie préside aux destinées de la Ville de Québec depuis bientôt 20 ans.

Le constat est aujourd'hui clair du point de vue de la planification urbaine : cette méthodologie d'aménagement a échoué. Il ne suffit que de remarquer l'état lamentable de la Côte d'Abraham. [Aujourd'hui, il est possible de voir du granite, d'un côté, et le projet Méduse, de l'autre, qui est très loin d'être rentable. Depuis, le journal Le Soleil a quitté le secteur et la Ville de Québec a cru bon engloutir 6 M $ dans la construction d'un petit parc dans le quartier Saint-Roch aux détriments de tous les autres quartiers.]

À Québec, il nous faut un plan global comportant trois plans : l'un d'aménagement, l'autre de développement économique, social et communautaire et un dernier de communication et de promotion. En 1989, il y en avait un plan directeur d'aménagement et de développement, maintenant il n'y en a plus. En 1989, il y avait un Plan directeur d'aménagement et de développement, maintenant il n'y en a plus, car il est révisé au gré des circonstances, des intérêts et autres lubies du moment. [En 1998, la Ville a eu la lumineuse idée de convertir 30 % de la superficie du parc Chauveau pour permettre la création d'un golf qui ne se réalisera pas, faute de financement, même si la Ville a déjà investi sottement un demi-million $ pour construire deux petits tunnels pour les golfeurs seulement. Au diable les contribuables de la Ville!]

À défaut d'intentions claires et d'une direction éclairée, le Vieux-Québec se développe ou s'aménage tous azimuts. Résultat : tout est objet de rebondissement.

Mais la question municipale à Québec ne se limite pas au Vieux-Québec. Il y a cette question de l'existence de la capitale nationale qui pointe à l'horizon. Mais comme ce sujet ne se raccroche pas à un site particulier, on n'en voit ni l'importance vitale pour la Ville de Québec ni pour les autres municipalités de la RMQ. La vision concernant le développement de la Ville capitale est bloquée par l'idéologie urbanistique du Vieux-Québec.

Une capitale, c'est plus que le siège d'un Parlement. Un combat devrait être entrepris pour modifier les mentalités des ministres « montréalistes » qui traitent la capitale comme une grosse bourgade. Plus se détériore la fonction gouvernementale à Québec, plus Québec apparaît comme une ville indifférenciée de toutes les autres. La ville-centre, Québec, en paie la note et en vit les inconvénients.

Pour devenir une ville moderne, Québec doit considérer l'ensemble de son territoire et miser sur la force et les caractéristiques des différents secteurs de la ville. Les budgets doivent refléter les réalités nouvelles. C'est faire fausse route que d'ignorer ou de sous-estimer le poids du nombre et la richesse économique des nouveaux quartiers de Québec dans le secteur des Rivières. Se servir surtout des nouveaux quartiers à des fins de perceptions fiscales n'est rentable pour personne. Par ailleurs, exploiter financièrement un vieux quartier comme celui de Montcalm, jusqu'à la limite du bon sens, n'inspire pas confiance.

Les budgets de la Ville reflètent trop l'assistance sociale et pas suffisamment le sens de la promotion et du développement [c'est le cas du golf dans le parc Chauveau]. Il nous faut une politique de planification urbaine qui dépasse, par exemple, le seul objectif de l'aménagement du mobilier urbain à coût de millions (ex. : l'espace Saint-Roch).

L'heure n'est pas à la dérobade. À des réalités nouvelles doivent correspondre un regard nouveau. Tous les citoyens et citoyennes de la Ville de Québec doivent le faire saisir aux dirigeants et aux décideurs de la Ville. Les résidents de Neufchâtel-Nord devraient évaluer la situation dans cet esprit et peser de tout leur poids sur le lien avec Québec, mais dans le sens d'une Ville unifiée.

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SOURCE : Le Soleil, mercredi, 11 septembre 1991, p. A14.

Révision : 3 mai 1999

Révision : 28 juillet 1999

Bruno Deshaies


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