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L'esprit du Rond-Point des sciences humaines

Ce mot « rond-point », accolé au concept des sciences humaines, veut attirer l'attention sur l'idée que les connaissances doivent converger plutôt que de se spécialiser dans l'isolement et l'ignorance de la contribution des autres disciplines. Cela dit, il est nullement entendu que la spécialisation n'a pas sa raison d'être dans le domaine des sciences humaines. Cependant, le spécialiste devrait chercher à explorer les frontières de sa discipline afin de mieux saisir le réel. C'est pourquoi le Rond-Point veut s'inscrire dans l'esprit de la « COMPLEXITÉ », c'est-à-dire de ce qui est tissé ensemble.

Complexité des objets de sciences humaines

Les sciences humaines sont constituées d'objets variés qui soudent l'Homme à la Nature et à la Société (H/N/S); les interrelations sont fort complexes : elles effraient même l'esprit. L'interdépendance des multiples relations entre ces trois données du réel composent à la fois le tissu social, la trame historique, l'aménagement de l'espace et les formes de l'organisation humaine. En plus, tous ces objets des sciences humaines sont soumis à des constructions de l'esprit sous le rapport du sujet à l'objet et vice versa - contraintes inexorables de la connaissance et de la science (voir la Préface d'Albert Jacquard et les chapitres 2 et 4 de Méthodologie de la recherche en sciences humaines.

Méthodologie et Méthode

La méthodologie suppose la Méthode. S'il y a bien des manières de faire dans chacune des disciplines, il doit bien y avoir une manière de penser et surtout de penser sa pensée. En d'autres termes, la recherche scientifique est inséparable de la réflexion critique. S'éloigner de cette exigence, c'est préparer son propre aveuglement. La Méthode et la méthodologie peuvent servir de garde-fou de la pensée, mais elles ne peuvent se substituer à la pensée elle-même qui doit apprendre à s'exorciser elle-même. Nos raisonnements doivent être soumis à des pressions constantes si l'on ne veut pas délirer, car notre logique de pensée peut être notre propre enfermement. Comme le pensait Kant : « Le contraire de la vérité est la fausseté ; quand elle est tenue pour vérité, elle se nomme erreur. »

Le Rond-Point et l'histoire

Le Rond-Point veut faire une place importante à l'histoire du Québec. Pour le Rond-Point, cette histoire doit tenir compte, indubitablement, de l'expérience coloniale française en Nouvelle-France, car celle-ci a donné naissance à la société canadienne et à un premier Canada (cf. brochure no 3 de la S.H.C. et pour la Collection des brochures historiques, voir). Après la conquête, cette histoire doit tenir compte, par surcroît, de la naissance d'un deuxième Canada, c'est-à-dire de la création d'un Canada-Anglais. La société québécoise actuelle est essentiellement le produit de cette évolution. Malheureusement, la société québécoise d'aujourd'hui est victime de la pollution par les sondages : on finit par croire tous les bonhommes sept heures qui nous expliquent avec force graphiques et sondages notre histoire et nos comportements collectifs de Canadiens-Français. La négation insidieuse de l'histoire nous fait perdre de vue les forces profondes qui mobilisent tant les individus que les collectivités au-delà des problèmes sociaux en tant que tels.Le Rond-Point veut aborder le conflit qui oppose le Québec au Canada. Présentement, les Canadiens-Français pro-québécois francophiles du Québec ont l'impression d'être tous devenus des racistes, des chauvins ou des obsédés de libération politique ; de l'autre côté, leurs rivaux politiques, des pro-canadiens à tout crin, qu'ils soient du Québec ou hors-Québec, se demandent pourquoi les Québécoises et Québécois n'appartiendraient-ils pas tous à une même culture commune, à une société pluraliste, à la grande famille canadienne qui, elle, est une société démocratique. Ces derniers s'attaquent aux avatars de la nation ethnique pour proposer la paix sociale que pourrait offrir la nation civique. À leurs yeux impartiaux, le mal social vient du national, bref de l'existence de nations et, bien sûr, du nationalisme

Par les temps qui courent, ces jongleurs idéologiques dissertent à profusion sur l'histoire et l'éducation à la citoyenneté et sur l'avenir de la société québécoise, pluraliste et le reste, qui ne ressemblera plus, heureusement, à la société « tricotée serrée » canadienne-française. Quelle pitié ! N'en finira-t-on jamais avec notre obsession collective victimaire ! De quoi et de qui se plaignent-ils ces Canadiens-Français pro-québécois francophiles du Québec? N'ont-ils pas tout économiquement ? culturellement ? socialement ? artistiquement ? linguistiquement ? Finalement, on sent dans tout ça, la bonne vieille question lancinante des Anglo-Canadiens et des fédéralistes « purs et durs » : « What does Quebec want ? » Pour le dire en québécois : « Pourquoi chialent-ils, ils ont tout ! »

Le Rond-Point veut travailler à clarifier cet imbroglio. Sciemment ou inconsciemment, le débat public s'embrouille, s'obscurcit et s'épaissit sur l'avenir de la société québécoise et des Canadiens-Français du Québec (soit du Québec profond comme on aime dire parfois). La collectivité québécoise cherche son avenir à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada ; elle manifeste de l'insatisfaction chronique ; elle refuse les formules de fédéralisme proposées par le Canada ; elle veut un changement en profondeur mais elle ne parvient pas à choisir la formule qui lui conviendrait. Face à une société déchirée, les historiennes et les historiens actuels n'ont rien d'autre à faire que de se passionner pour l'histoire sociale de Montréal, le féminisme, l'américanité, la francophonie américaine, l'ethnicité, le monde rural, l'étude des populations ou l'histoire de la médecine. Le problème national est presque considéré comme un sujet obsolète, pour ne pas dire tabou. Les historiens et historiennes sont absents du débat. Ils ne peuvent s'impliquer, car ce sont des questions idéologiques ! Ils semblent se complaire dans la petite histoire, les déclarations croustillantes et les récits de vie que les médias prisent allègrement. En conséquence, les véritables éclaireurs de l'avenir sont devenus des marchands de marketing et des patrons de maisons de sondage !

Le Rond-Point croit qu'il est impérieux de « penser en présence des faits ». À cet égard, l'historien français Marc Ferro a sûrement raison d'écrire que « la société impose souvent des silences à l'histoire ; et ces silences sont autant de l'histoire que l'histoire » (dans L'histoire sous surveillance). D'autres contraintes existent qui peuvent être celles des institutions, des idéologies, des logiques de pensée ou d'État et qui façonnent la science et la conscience historique. Par conséquent, au Québec, la production historique des historiens (hommes ou femmes) a besoin d'une cure d'autocritique implacable, car l'historien n'est pas seulement un artisan, il doit être aussi un citoyen vigilant.

Agir, c'est vivre !

Le Rond-Point reconnaît qu'il ne suffit pas de savoir ; il faut surtout agir. L'action est le fondement de la vie des individus et des sociétés. Un individu qui n'agit pas par lui-même et une société qui n'agit pas par elle-même sont, l'un et l'autre, voués au remplacement, à la substitution puis, finalement, à l'inaction (cf. Transparent no 5). D'ailleurs, une des plus grandes leçons du pragmatisme consiste à nous rappeler que nous devons prendre des décisions en vue de l'action. Il ne suffit pas de comprendre les événements, il faut aussi agir sur ceux qui adviendront dans le futur. Tant les individus que les sociétés doivent préparer leurs avenirs.

Questions d'enseignement et d'éducation

Le Rond-Point s'interroge sur les réformes scolaires. Par rapport aux enseignements, le Rond-Point s'intéresse, plus particulièrement, à l'enseignement des sciences de l'homme (par ex. : géographie, histoire, économique et éducation à la citoyenneté) dans les écoles publiques du Québec. À titre d'exemple, la création des nouveaux programmes d'étude en histoire vont nécessiter une réflexion didactique importante. Par rapport aux problèmes d'éducation at large, le Rond-Point veut toucher à des questions pédagogiques tout autant qu'à des questions d'organisation scolaire et de fonctionnement de système. Dans ce dernier domaine, les questions de l'organisation du système d'éducation et de l'école méritent notre attention, car elles soulèvent des difficultés insoupçonnées et des traquenards incroyables.

L'étude du national et la nécessité d'avoir des « normes »

Le Rond-Point fait une place spéciale à l'idée de « normes ». Il n'hésite pas à puiser des idées dans les recherches et l'enseignement de l'historien québécois Maurice Séguin. Par conséquent, une place particulière est consentie à la « sociologie du national », c'est-à-dire à cette partie des Normes (de Maurice Séguin) qui traite « des rapports entre les sociétés (civiles) ou ethnies ». Cette partie constitue une réflexion originale et novatrice pour tous ceux et toutes celles qui désirent mieux comprendre la société québécoise.

Évaluation et action

Le Rond-Point des sciences humaines croit que l'évaluation et l'action sont deux actes corrélatifs du jugement. Il est donc impératif de joindre ces deux temps de la gestion plutôt que de les dissocier. En ce sens, l'action pour l'action peut être nuisible au bon fonctionnement d'une organisation et de l'atteinte de ses objectifs ; en contrepartie, l'évaluation pour des fins d'évaluation seulement, de description de situation pour la description elle-même, ne mène nulle part. L'évaluation et l'action sont deux temps forts du processus de décision. Pour ce faire, les pratiques d'évaluation doivent prendre en considération certaines questions précises. Éviter ces questions, les ignorer ou en faire fi, c'est agir comme une girouette.

De la diffusion de l'information scientifique

Le Rond-Point souhaite aborder l'information scientifique dans un esprit de recherche, d'échanges et de débats. Il croit que la diffusion de l'information scientifique doit dépasser les inventaires documentaires, la liste des articles de vulgarisation ou la promotion de sujets à la mode. Il veut développer du contenu en sciences humaines et assurer la publication de comptes rendus de lectures, la recension d'articles dans différentes revues et l'indication de sites en lien avec les questions qui sont d'intérêt pour Le Rond-Point des sciences humaines. Par exemple, c'est dans cet esprit que le Rond-Point a abordé la controverse entourant le racisme et le nationalisme chez le chanoine Lionel Groulx.

Les dossiers du Rond-Point

Le Rond-Point des sciences humaines ne prétend pas détenir la vérité. Sans chercher à gêner, le Rond-point veut faire réfléchir. Pour cela, il serait peut-être bon de mettre fin aux petites susceptibilités des Canadiens-Français ou des Anglo-Québécois cherchant à vivre en marge de l'évolution de la société québécoise dans le lit douillet du canadianisme. Nous devons tous comprendre que dans une société démocratique, le partage des idées est un bien suprême. La démocratie doit servir à la fois les individus et la société toute entière. Le progrès humain est un processus complexe qui va de l'individu à la société et vice versa. L'enrichissement d'une culture dépend des deux et de beaucoup d'autres choses, bien sûr. Dans cet esprit, le Rond-Point tient beaucoup à soumettre à l'évaluation et à la critique chacune de nos certitudes. Tel a été le but du dossier qui a été préparé sur le thème : « Pédagogie, histoire nationale (au Québec) et éducation civique ».

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Québec, 22 janvier 1999