Communication présentée par le professeur Maurice Séguin du Département d'histoire de l'Université de Montréal

Réunion annuelle de la Canadian Historical Association à l'Université de Montréal en juin 1956.

I. LE CONCEPT DE L'INDÉPENDANCE D'UNE COLLECTIVITÉ.

TENIR COMPTE DES AUTRES, MAIS AGIR PAR SOI-MÊME

o Indépendance n'est pas synonyme d'agir sans les autres,
o L'essence même de l'indépendance c'est d'agir (par soi-même).

L'AUTO-DÉTERMINATION : LE BIEN SUPRÊME ; SON ABSENCE : UN MAL RADICAL

o L'agir par soi est le substratum de la vie d'une collectivité.
o Toute privation d'indépendance est synonyme d'oppression.

L'INDÉPENDANCE À DEUX EST UNE IMPOSSIBILITÉ sur un même territoire

o Impossible de posséder chacun sa propre indépendance ;
o Impossible de posséder en commun une même indépendance.

ÊTRE ANNEXÉ À UN PEUPLE INDÉPENDANT N'EST PAS ÊTRE INDÉPENDANT

o Pas même être BIEN annexé.

L'ANNEXION ENGENDRE LA MÉDIOCRITÉ GÉNÉRALE COLLECTIVE

o Un milieu provincial.
o Une culture anémique.

N. B. : L'édition de 1956 comportait, dans l'énumération, cette autre note : « Un peuple annexé n'est pas intéressant. » En 1965-1966, cette phrase a été supprimée par Maurice Séguin.

VIVRE ou MOURIR - ou bien VÉGÉTER

o Indépendance,
o Assimilation totale.
o Annexion - survivance.

II. LA COURBE HISTORIQUE DE L'INDÉPENDANCE DES DEUX CANADAS.

AVANT 1760 : FONDEMENT DE L'INDÉPENDANCE D'UN CANADA FRANÇAIS

EN 1760 : DÉMOLITION DES POSSIBILIÉS D'INDÉPENDANCE DU CANADA :
NAISSANCE DU CANADA ANGLAIS

DÈS 1760 ET APRÈS 1760 : UNE GUERRE DE RACES
UNE ISSUE : ANNEXER LE CANADA FRANÇAIS

o Une guerre de races pour L'INDÉPENDANCE nationale.
o 1783 et 1791 aggravent et prolongent la guerre de races.
o Un dilemme : choisir entre le Canada du passé et le Canada de l'avenir.
o Vers 1824, la seule solution possible commence à se préciser :
- l'annexion du Canada français,
- l'annexion avec ménagements.
o En 1840, cette solution de base est appliquée.
o Bagot n'a pas trahi Durham.
o Et les réformistes n'ont pas modifié le caractère du régime.
o 1867 ne fait que reprendre l'arrangement de 1840.

UN SIÈCLE APRÈS 1760 : UN CANADA ANGLAIS NATION.
UN CANADA FRANÇAIS PROVINCE.

o Deux nations anglaises, une province française;
o Ou plus exactement : une province semi-française.
o Un peuple majeur indépendant et un peuple mineur annexé.
o Le drame des deux impossibles et de l'inévitable survivance.
- impossible indépendance.
- impossible disparition.
o inévitable survivance dans la médiocrité.
o La justesse de l'arrangement constitutionnel de 1867, en 1867. [Pour l'édition de 1965-1966, Séguin ajoute « en 1867 ».]

DEUX SIÈCLES APRÈS 1760 : MÊME CONTEXTE :

o Toujours au lendemain de 1760.
o Une défaite organique qui n'a rien perdu de son intensité.
o Toujours deux Canadas qui ne peuvent se fusionner.
o Les mêmes relations commandent leur coexistence.
[Pour l'édition de 1965-1966, Séguin ajoute cette dernière note dans l'énumération.]
o Parmi les Canadiens français ,
- les croulants (de 15 à 90 ans) acceptent…
- les jeunes (de 15 à 90 ans) se révoltent.

N. B. : Dans l'édition de ce texte, nous avons respecté la ponctuation originale ainsi que sa présentation matérielle (hormis les pastilles énumératives). Il s'agit de la dernière version éditée par Maurice Séguin.

NOTE PARTICULIÈRE :
La présente version provient de la feuille du cours HC.480 / 1965-66, non-paginée, et identifiée « REMAKE REVISÉ » (in Fonds Maurice-Séguin, ancienne cote P221, 2454/63/8/6/2). Nous indiquons les quelques modifications apportées par Maurice Séguin à la première version qui avait été publiée par la Canadian Historical Association dans le
Rapport annuel, 1956, p. 83-84.

POUR LES SCEPTIQUES :
Maurice Séguin, L'idée d'indépendance au Québec. Genèse et historique. Trois-Rivières, Les Éditions Boréal Express, 1971, 67 p. (Coll. « 1760 »). La mise au point de l'appareil critique a été effectuée par M. André Lefebvre. Publication de trois conférences prononcées à la télévision de Radio-Canada les 18 mars, 25 mars et 1er avril 1962.