INDÉPENDANCE nationale DU QUÉBEC 396

« Au plan opérationnel, la première difficulté politique consistera à transformer une haute fonction publique provinciale en une haute fonction publique nationale. »  
 
Bruno Deshaies
Vigile.net

jeudi, 6 septembre 2012

Les dés sont jetés.  Les électeurs et les électrices de toutes les régions du Québec ont voté pour la formation d’un nouveau gouvernement.  Ce choix démocratique des « voteurs » aura d’autant plus d’importance qu’une loi scélérate pèse sur toutes les têtes comme une épée de Damoclès.  En revanche, les Québécois et les Québécoises ne sont pas ce que pensent les Charest et Legault de ce monde.  Ils et elles ont finalement pris position. Toutefois, les résultats électoraux ne permettent pas de résoudre les contradictions de la pensée politique québécoise. Ce que les parlementaires doivent maintenant assumer le plus sereinement, c’est que l`Assemblée nationale du Québec ne devienne pas une foire d’empoigne dès la mise en marche du gouvernement Marois.   

On le voit, dans les faits, l’économie n’est pas la fin du monde.  Or, l’Assemblée nationale de la dernière session du Québec fut incapable de fonctionner adéquatement.  Béatement, la population a assisté à un épisode entre des parlementaires obsédés par la soif d’une élection dans le seul but d’en découdre les uns les autres.  Ah ! démocratie quand tu nous tiens.  Pour le premier ministre Charest, le mot démocratie s’écrit avec un « d » majuscule dont il est le seul à en connaître le sens. Nous avons appris ce soir que sa fidélité démocratique se limite à ses convictions.  Pour lui, démocratie = économie.  Il a beau parlé des valeurs démocratiques que personne ne veut plus le suivre.  Malgré tout, une élection, c’est une élection. Les résultats du vote ont démontré qu’une fraction importante du vote populaire a maintenu son appui au parti libéral malgré la défaite de Jean Charest dans sa circonscription de Sherbrooke.  Le parti québécois de Pauline Marois doit donc se contenter d’un gouvernement minoritaire. Tel a été le vœu suprême exprimé par la souveraineté populaire.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale devra compter dans ses rangs une deuxième opposition, soit celle de la Coalition pour l’avenir du Québec de François Legault, puis d’un quatrième parti avec madame Françoise David et Amir Khadir de Québec solidaire.  Mais c’est surtout la CAQ qui a forcé le jeu démocratique.  Depuis un an environ, un sauveur a fait son apparition.  Il se présente pour « faire le ménage » et il nous offre, clé en main, de mettre le Québec sur les rails avec ses solutions magiques dans le style de l’ex-premier ministre Mike Harris de l’Ontario avec sa « Révolution du bon sens » qui a terminé ses jours dans l’enfer de l’eau contaminée à Walkerton.  Il y a trop de gras.   Il doit couper ici et là dans le budget, la fonction publique et parapublique, l’organisation des services, etc. !  Il nous prévient, ça ne fera pas mal.  Toutes les difficultés seront aplanies.  On s’en va « drette », puis surtout « on est fiable ».  La Belle province va marcher vers des jours meilleurs : pas de référendum, pas de corruption, une bonne gestion avec un « cadre financier » dit réaliste et juste des coupures incontournables.

Vient Pauline, la « dame de béton ».  Elle se tient encore « deboutte ».  Il y a de quoi !  Elle lutte avec l’énergie du désespoir.  C’est même très  honorable. Digne dans le combat électoral, elle est parvenue malgré tout à faire sa marque devant l’agitation verbale des siens et des autres. Malheureusement, le soir même où elle accède au poste de première ministre, une personne a été abattue au Métropolis au moment où elle prononçait son discours de fin de campagne tard dans la soirée.  On sait que durant la campagne électorale, elle a réfuté l’objection des Charest et des Legault qui voyaient dans son approche politique des intentions machiavéliques et de vouloir mettre « la chicane dans la cabane » ou même de supposer (comme l’a déclaré le chef de la CAQ) d’exiger « un test sanguin » de « bon nationaliste ».  Avouons-le, la coupe est pleine.  Il n’en fallait pas plus pour voir apparaître la  réaction de la presse canadian de Montréal et de Toronto à l’encontre des souverainistes.  Les événements vécus en fin de soirée des élections du 4 septembre illustre la fragilité de la démocratie sous tous ses aspects plus ou moins heureux.

Contre vent et marées, Pauline Marois devient la première femme a occupé le poste de première ministre du Québec.  Cependant, avec les résultats de la répartition des sièges à l’Assemblée nationale, on peut déclarer sans l’ombre d’un doute que la cheffe du PQ aura fort à faire devant une situation si lourdement empoisonnée afin de réaliser ses promesses électorales et de gouverner efficacement. Dans les circonstances actuelles, il devient de plus en plus nécessaire pour elle de faire appel à des ressources humaines de l’extérieur de son entourage immédiat afin de consolider le Cabinet du PM ou du Ministère du Conseil exécutif  de l’État du Québec − ce haut lieu des grandes décisions politiques − qu’elle aura à commander, diriger et animer.(*)  Cesera un travail d’équipe colossal au plus haut niveau de l’État, car c’est le centre névralgique du gouvernement.  Les événements de la nuit dernière nous ont montré que tout ce qu’elle aura à déclarer publiquement sera scruté à la loupe.

Au plan opérationnel, la première difficulté politique consistera à transformer une haute fonction publique provinciale en une haute fonction publique nationale. Il lui faudra mettre fin aux réflexes ataviques de provinciaux des sous-ministres en titre ainsi que des dirigeants des grands organismes publics et parapublics.  Elle-même aura à faire l’apprentissage d’un nouveau vocabulaire au sujet de l’indépendance nationale et de l’interdépendance du Québec dans le monde.  Les citoyens québécois doivent entendre autre chose que des lamentations sur le dysfonctionnement du fédéralisme canadian ou sur le style de gouvernement des chefs à Ottawa.. 

L’indépendance nationale du Québec et les fondements de l’optique indépendantiste exigera énormément d’effort de la part du gouvernement péquiste pour disséminer l’idée indépendantiste.  Le slogan « À nous de choisir » doit être qualifié clairement.  Ce n’est pas la croisée des chemins mais l’indépendance nationale du Québec qui doit faire son entrée sans équivoque dans l’espace public.  La réalisation de la souveraineté nationale du Québec est à ce prix.  Est-ce que notre haute fonction publique est prête à emboîter le pas ?  Une évaluation sérieuse de la capacité et de la volonté interne de l’État est à préparer avec soin.  La solidité de  l’État du Québec en dépend largement ainsi que de son gouvernement.  À cause de sa vision de l’indépendance nationale du Québec, le gouvernement péquiste sera mis à rude épreuve dans les mois à venir ainsi qu’au cours des prochaines années.

Bon succès madame Pauline Marois au titre de première ministre du prochain gouvernement national des Québécoises et des Québécois et de la nation québécoise.

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 (*) Pour le commun des mortels, il est instructif de naviguer sur le site Internet du Ministère du Conseil exécutif du Québec (http://www.mce.gouv.qc.ca/ministere/ministere.htm).
 



Lecture :
Christian Rioux, « Une élection européenne », dans Le Devoir, 7 septembre 2012.  ICI :http://www.vigile.net/Une-election-europeenne,50987
De son analyse de la situation québécoise à partir de l’expérience européenne, il retient surtout la leçon qui suit :

« Convenons pourtant que cette révolte contre l’État ne vient pas de nulle part. Elle trouve le plus souvent sa source dans l’incapacité des États modernes à choisir. Comment expliquer en effet qu’un État comme celui du Québec offre des traitements de fertilité gratuits alors qu’il n’est même pas en mesure d’assurer un service adéquat aux urgences ? Ou que l’on hausse les droits de scolarité alors qu’il n’y a pas de péages sur les autoroutes du Québec ? Qu’on me permette de penser qu’il ne s’agit pas tant de trancher dans le gras que d’avoir le courage de choisir. »

Commentaires :
Le défi majeur de Madame Marois

7 septembre 2012

  • Deux petites remarques s’imposent :
1 - Vous parlez de "démocratie" alors que vous devriez parler de gouvernement représentatif. Si vous pensez que la démocratie se limite à l’élection et que l’élection c’est la démocratie, il faudra réviser vos cours cours d’histoire et aller faire un petit tour du côté de la démocratie athénienne par le tirage au sort, nous parler aussi de la démocratie directe et participative. Ce que vous appellez "démocratie" n’est qu’un pâle reflet d’une vraie démocratie où le peuple participe vraiment aux décisions qui le concernent autrement qu’en votant une fois à tous les 4-5 ans pour des politiciens professionnels qui servent d’abord leurs intérêts avant ceux du bien commun.

 
2 - Pour gouverner, le PQMarois devra faire alliance avec la CAQ principalement et QS pour la prochaine élection. Marois connaît Legault depuis des années et devrait savoir ce qu’il lui faudrait concéder pour se maintenir au pouvoir. Entre vous et moi, sauf sur la question du référendum, il y a beaucoup de points communs avec la CAQ. Pourquoi ne pas nommer Duchesneau, Legault et Françoise David au conseil des ministres ? Des cabinets de coalition cela s’est déjà vu dans l’histoire et personne n’est mort.
 
Pierre Cloutier, avocat à la retraite
 
Réponse de Bruno Deshaies :
 
Je respecte votre opinion mais je ne crois pas que vous allez bien loin avec vos idées à part de vous défoulez.  Il manque beaucoup de pragmatisme et, en plus, vous perdez de vue l'optique indépendantiste.  Pauline Marois doit choisir son type de politique indépendantiste par son action gouvernementale. Elle a besoin d'une fonction publique qui comprend ce message.  Ce n'est pas l'oppositoon qu'elle doit convaincre mais plutôt les Québécoises et les Québécois. C'est son défi majeur face à la nation québécoise.
  • Le défi majeur de Madame Marois

           8 septembre 2012, par Marcel Haché

Les rôles sont inversés. Maintenant que Pauline Marois est chef de tous les québécois, il sera impossible aux libéraux d’aussi mal se comporter que Jean Charest à l’A.N.

Chaque fois que ce minus prononçait le nom de Pauline Marois, c’était avec la même hargne qu’il avait dénoncé Elsie Lefebvre, alors qu’il s’était disqualifié.  Bien avant la venue de ce ti-jean Charest à l’A.N., Pauline Marois y était déjà et personne ne s’était jamais plaint qu’elle ait manqué de classe une seule fois.

Que les libéraux déplorent maintenant le départ d’un grand chef d’État, indique assez bien qu’ils n’ont aucune conception de ce qu’est l’État, encore moins une idée de ce que pourrait être une haute fonction publique exempte de leur partisannerie.

Cela devrait inciter le gouvernement péquiste à y avoir de la suite dans les idées, les libéraux n’y ayant jamais vu autre chose que des intérêts. 
  
Le défi majeur de Madame Marois
9 septembre 2012, par Bruno Deshaies
Bonjour Monsieur Haché,
Si je comprends bien votre point de vue, vous semblez nous dire qu’il serait difficile que la haute fonction publique ne soit pas sans reproche eu égard à la partisannerie du gouvernement Charest. Cette allégation est fort probable mais il y a tellement de subtilités dans les rapports entre les deux pouvoirs (politique et administratif) ─ compte tenu des connivences qui rapprochent forcément les individus par le truchement des chefs de cabinet politique ─ que les divergences de points de vue sont rares.
Comme vous savez sûrement, les carrières des sous-ministres ou des chefs de cabinet politique sont souvent très interdépendantes même si les ministres passent. Plus souvent qu’autrement un service en attire un autre quand ce n’est pas tout bonnement la loyauté (c.-à-d., fidélité à l’égard de : une personne, une cause, une conviction). Un véritable cercle vicieux ! On connaît toute la charge que mettent les libéraux sur cette notion de «conviction ». C’est presque la foi elle-même incarnée dans leur opinion. Ce concept flou rejoint une majorité d’individus dans la société civile. Avoir des convictions, n’est-ce pas noble ?
Madame Marois n’aura pas le choix des moyens. Elle aura besoin d’une équipe externe à la fonction publique pendant un bon moment afin d’éviter les pelures de banane qui vont paver son parcours comme première ministre du gouvernement péquiste et de cheffe de l’État du Québec. Quant à la direction de l’Exécutif de l’État, elle a des responsabilités qui dépassent la rédaction des lois, la levée des impôts, la gestion de la Fonction publique et de la conduite de ses rapports avec les autres gouvernements au Canada. L’État, c’est la dimension politique dans ses rapports avec les individus et la société (civile), l’économie et la culture, puis finalement avec l’ensemble des activités humaines de tout ordre dans la vie et les conditions de vie des individus et de la croissance globale de la société. Bref, c’est toute la vie collective nationale qui est en cause. Et l’indépendance nationale du Québec fait partie de cette direction de l’Exécutif de l’État. Cette conviction profonde vaut mille fois plus que celle des libéraux, des caquistes ou de tous les défenseurs du fédéralisme renouvelé, refondé, transformé en une autre autonomie tronquée.
Le chantier est immense. Il faut de toute urgence mettre à l’œuvre des milliers de citoyennes et de citoyens dans toutes les régions du Québec pour expliquer la vision du Québec indépendant par soi et collectivement dans le monde. Les Québécois doivent comprendre que le Québec est dans le monde, mais qu’il doit être distinct de lui.

  • Le défi majeur de Madame Marois
 
           10 septembre 2012, par Marcel Haché
M. Deshaies,
Je suis totalement d’accord avec vous.  M’est arrivé d’écrire sur Vigile que la recette de l’Indépendance se trouvait dans les cuisines de la fonction publique.  La résolution du « mystère Québec » s’y trouve aussi.
 
Je crois seulement qu’il y a un immense problème avec les grands cuisiniers… Je crois aussi que les gouvernements péquistes du passé n’étaient pas très sérieux à questionner les recettes, plutôt que de questionner les cuisiniers.  Un méchant coup de barre par-là est nécessaire, indispensable, fondamental, à terme incontournable.
 
Vos explications et vos suggestions m’apparaissent très justes et très accordées au temps présent. Le P.Q. est encore au front − la campagne électorale se continue maintenant à l’A. N. − pour gagner la prochaine élection, si déterminante. C’est ce front-là de la prochaine élection qui devra être gagnée. Je n’arrive pas à voir dans le passé une élection plus importante que celle que devra mener le P.Q. la prochaine fois.
 
La prochaine élection sera déterminante pour enfoncer la résistance « fédérale » de façon décisive − même si les indépendantistes n’en ont pas tous encore pris toute la mesure- mais d’ici là, je crois que nous sommes d’accord,  les résistances

«provinciales», internes, et tout particulièrement celles de la haute fonction publique ne doivent pas être sous-estimées.  Oh que non !  Et partant de là, la transformation de l’appareil de l’État, ce serait évidemment le prélude au changement d’État lui-même…

Quant à moi, derrière la « gouvernance souverainiste », pas très flamboyante, il pourrait et devrait se profiler une gouvernance nationale, ce qui est bien différent qu’une gouvernance provinciale.
 
Salutations

 
  • Le défi majeur de Madame Marois
     
  • 11 septembre 2012, par Michel

     
    Le Parti Québecois n’a qu’a AGIR AGIR AGIR et adopter tout son Programme incluant un Référendum pour l’indépendance. Et si la CAQ et le PLQ refusent d’adopter un des points promis par le PQ ces refus deviendront les principaux motifs de tenir UNE ÉLECTION RÉFÉRENDAIRE. Le Parti Québecois doit refuser de se comporter en parti provincialisme soumis au colonialiste d’Ottawa et se laisser tromper par des fonctionnaires nommés par les Libéraux .

    MICHEL, à Lire par GOOGLE le Forum Projet MPQ
    http://forum.autochtones.ca/viewtopic.php?t=8624
     

    • Le défi majeur de Madame Marois
    19 septembre 2012, par Bruno Deshaies
    Nous apprenons ce matin que madame Marois va nommer tous les chefs de cabinet des ministres de son gouvernement et qu'elle va muter un certain nombre de sous-ministres en titre.  C'est un début dans la bonne direction de la gouvernance de l'État du Québec.  Mais elle devra aller plus loin encore.  Elle aura besoin en priorité de s'entourer d'un groupe de personnes de la société civile afin de l'épauler dans sa réflexion critique sur les gestes qu'elle posera comme chef de l'action gouvernementale.  C'est le moyen et long terme qu'elle ne doit pas perdre de vue, car le court terme sera affolant. L'équipe gouvernementale devra faire preuve de pragmatisme sans flagornerie.

    Le démarrage semble fonctionner dans la bonne direction.