Rond-Point AccueilConférencesSackville (12 novembre 1999)


Les nations et le nationalisme dans l'histoire
d'après l'historien Maurice Séguin

B.- Séguin, historien

Séguin n'est pas ce type d'historien, comme on l'entend traditionnellement, qui désire présenter une fresque du passé, une simple synthèse des connaissances acquises ou une sorte de panorama historique ; il est avant tout un historien de synthèse, un historien de la « grande histoire ». Pour lui, « la légitimité de l'histoire des grands phénomènes sociaux » l'emporte sur « l'utilité d'une historie détaillé des faits ». Bien sûr, Séguin a aimé suivre à la trace les événements historiques dans son cours détaillé sur l'histoire du Canada, mais il le faisait dans une perspective bien précise, à savoir en vue d'expliquer un problème et de clarifier une situation. Il voulait surtout résoudre un problème et clarifier une situation. Selon lui, « la haute histoire des phénomènes primordiaux est en définitive, pour ceux qui ne sont pas des professionnels de l'histoire, la seule histoire importante et irremplaçable ». (Cf. Les Normes, 0,3.)

Par exemple, nous avons trouvé dans le Fonds Maurice-Séguin aux Archives de l'Université de Montréal des notes personnelles sur son séminaire portant sur l'impérialisme moderne : l'histoire de l'Empire britannique de 1783 à 1939. Ces notes montrent à quel point il est méticuleux dans l'élaboration des événements et, surtout, dans sa manière de traiter ces mêmes événements. Au fond, il met en évidence l'idée que la réalité commande l'abandon du rêve d'une politique extérieure commune ainsi que de l'unité diplomatique de l'Empire. Il démêle l'écheveau des événements qui ont finalement conduit à ce constat. En 1939, c'est l'égalité de status proclamée officiellement.

Toute cette recherche minutieuse vise à répondes à une question : comment concilier le désir de maintenir son indépendance avec les besoins de l'Empire? C'est l'essence de la lutte ; c'est le problème formulé explicitement par l'historien. Le résultat est le triomphe de la vision impérialiste-nationaliste dans la diversité. De cette évolution, il y a une grande leçon à tirer. L'on voit comment, pour des peuples vigoureux, il est difficile d'accepter une formule de fédération et que, finalement, la souveraineté ne veut pas dire l'isolationnisme, c'est-à-dire le rejet de toutes relations extérieures.

Le cours de synthèse d'histoire du Canada qu'il a enseigné tout au long de sa carrière illustre son souci de travailler avec des documents et c'est pourquoi il est erroné de laisser croire que Séguin est " philosophe plus qu'historien " selon l'opinion émise récemment par un collègue de Séguin à l'Université de Montréal, Jean-Pierre Wallot, ex-archiviste en chef aux Archives nationales du Canada. Cette opinion n'est pas fondée, car elle présume que l'historien doit se contenter de faire un récit. Ce à quoi le grand historien Lucien Febvre à déjà défendu la cause " du droit d'un historien qui se pose des problèmes au lieu d'épuiser des inventaires " ? (dans Amour sacré, amour profane, Paris, Gallimard, 1944/1971, p. 15. Coll. " Idées ", no 235.) L'histoire-récit, l'histoire événementielle tout comme l'histoire-bataille et l'histoire hagiographique sont des conceptions dépassées.

Séguin, théoricien >>


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