Rond-Point Conférences Historiens et histoires nationales Histoire nationale et formation du futur citoyen — Choix éducatifs et enseignement de l'histoire nationale


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Conclusion

Pour conclure cet exposé, il me semble pertinent de dire que le « virage du succès » en éducation au Québec risque de s'embourber dans les mêmes écueils que ceux que nous avons connus à la fin des années 1970. Conséquemment, il serait présomptueux de penser que l'enseignement de l'histoire nationale vient de reconquérir ses titres de noblesse dans le curriculum de l'enseignement secondaire quand une partie du temps d'enseignement consacré à l'histoire doit être partagé avec l'éducation à la citoyenneté. Ce qui plus est, ce curriculum vise uniquement les élèves du secondaire régulier. Toute la population des élèves qui s'orientent vers l'enseignement professionnel échappe à cette grille-matières. Il reste que cette clientèle étudiante sera la première à être sur le marché du travail et à vivre pleinement ses conditions de citoyens et de contribuables dans la société.

Par ailleurs, nous ne pouvons prédire actuellement ce que nous réserve les travaux de la nouvelle Commission des programmes d'études que la ministre de l'Éducation vient de créer. Il y a bien des questions en suspens : le contenu de l'enseignement de l'histoire au secondaire ; le contenu de l'éducation à la citoyenneté et sa répartition du temps avec l'enseignement de l'histoire ; le contenu, les objectifs, les buts, l'évaluation, le matériel didactique et le reste concernant l'enseignement de l'histoire nationale dans les commissions scolaires francophones et anglophones ; le contenu de l'enseignement des matières de sciences humaines au primaire ; le support à offrir aux nouveaux enseignement des programmes, etc.

Quant au contenu des programmes, il serait urgent de s'interroger sur les cinq dimensions de l'acte pédagogique de manière à ne pas verser dans les excès de l'une ou l'autre des cinq dimensions. Présentement, l'emphase accordée à la dimension V, c'est-à-dire aux choix éducatifs sociaux, risque de conditionner étroitement non seulement les objets d'étude (dimension II) mais le style de relation pédagogique que le maître devra adopter quant à la transmission des savoirs (dimension I), des conditions d'apprentissage des processus d'objectivation (dimension III) et sans parler des processus cognitifs et intellectuels (dimension IV). Le pire danger de la position actuelle du gouvernement concernant le curriculum, c'est de croire que la définition des objectifs ou des finalités d'enseignement (dimension V) suffit à résoudre pratiquement la révision du curriculum.

Il ne suffit pas de parler de « raisons communes » ou de « valeurs communes » en sciences humaines pour aplanir des problèmes de diversités socio-politico-écono-culturelles quand nous savons très bien que la réalité se présente tout autrement quoiqu'on en dise, quoiqu'on en pense et quoiqu'on en fasse. Toutefois, il demeure que nous ne ferions pas fausse route si l'on s'interrogeait sur l'éducation de l'Esprit qui passe les comportements, les idéologies, les slogans, les modes de l'heure ou toutes les formes de simplification primaire des problèmes complexes de la vie en société.

Notre élève d'aujourd'hui, futur citoyen, doit d'ores et déjà comprendre qu'il ne vit pas dans une société abstraite, idéale, mais bien dans une société réelle et pleine de contradictions. Pour qu'il ne dise pas « boff ! » à l'histoire et aux sciences humaines, on doit lui apprendre, progressivement, selon son processus de maturation personnelle, ce qu'est la société dans laquelle il vit, dans laquelle il va travailler, dans laquelle il va agir, dans laquelle il sera une partie du tout et dans laquelle il pourra contribuer à son développement. La vie exige, à la limite, « plus d'Esprit » comme le pensait si justement Paul Valéry en 1933.

Bruno Deshaies
11 mai 1998


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