Rond-Point Didactique Histoire et mythologie (André Lefebvre, 1964)


Histoire et mythologie
(André Lefebvre, 1964)


André Lefebvre

En 1965, j'ai rédigé une brève note de lecture du livre d'André Lefebvre, Histoire et mythologie. L'ayant complètement oubliée, c'est par hasard que j'ai pu, après 34 ans, la débusquer dans ma documentation. Il me semble, encore aujourd'hui, que cette note demeure toujours d'actualité. Le présent débat sur l'enseignement de l'histoire continue à s'enliser. On en parle beaucoup et sur un peu de tout. La confusion règne et les médias ont rapidement fait leurs choux gras de cette question récurrente. Et malgré tous les efforts déployés depuis plus de quatre décennies, on ne semble pas être capable de prendre suffisamment conscience des implications de nos connaissances en psychologie du développement de l'enfant et en psychogénétique. En outre, comme le pense Lefebvre, la nature de l'histoire ne doit pas être faussée et tronquée même si nous prétendons former une personne qui ne devrait pas ignorer son passé.

Ce livre fait surtout une analyse détaillée du Programme de 1959 du Département de l'Instruction publique (DIP) mais, indirectement, il s'agit d'une critique acerbe du matériel d'enseignement de l'histoire disponible au cours des années 1940 et 1950 (cf. les « Manuels scolaires au Québec » (histoire) et suivre les indications suivantes: Cliquer sur le mot Catalogue / Chercher avec le mot Histoire / Lancer la requête / Choisir dans la liste des 40 prochaines pages, la page 19).

Les principaux points de la critique d'André Lefebvre sur l'enseignement de l'histoire au Québec, au cours des années 1950, ont porté sur :

  1. L'histoire catastrophique, p. 28-29 et 32-33 ;
  2. La mythification du passé, p. 30-31 ;
  3. L'histoire qui ignore l'expérience de l'enfant, p. 66-68 ;
  4. L'histoire fermée sur le passé, p. 63.

En contrepartie, Lefebvre propose :

  1. Une histoire qui tient compte de l'évolution des phénomènes historiques, p. 28-29 ;
  2. Une histoire qui s'appuie sur le présent de l'enfant dans sa vie et son milieu, p. 31-32 ;
  3. Une histoire qui apprend à l'enfant à observer et à rectifier ses impressions erronées, p. 67-68 ;
  4. Une histoire qui s'emploie à faire acquérir une meilleure connaissance du présent, p. 65.


Conclusion. Histoire et mythologie est un petit livre à lire ou à relire à tête reposée. Bonne lecture ou relecture ! (Bruno Deshaies, 17 février 1999)


Histoire et mythologie

TABLE DES MATIÈRES
PRÉFACE p. 7
  I.   Histoire et histoires p. 13
  II.  Histoires et mythologie p. 45
  III. L'enfant historien p. 63
  NOTES p. 75, 78 et 82.

LEFEBVRE, André, Histoire et mythologie. Essai sur l'enseignement de l'histoire au primaire.
Collaboration de Jacques Tremblay, Préface de Marc-Aimé Guérin, Montréal, Beauchemin, 1964, 86 p. (coll. « Initiation à la pensée actuelle »).

Notes personnelles de Bruno Deshaies (1965)

Depuis dix ans environ (de 1954 à 1964), le professeur Lefebvre se préoccupe des problèmes de l'enseignement de l'histoire aux élèves du cours primaire. Dans ce petit volume, il fait une critique érudite du Programme d'études des écoles élémentaires (Département de l'Instruction publique, 1959) de la Province de Québec et serine la conclusion suivante : « Pour éveiller un esprit au lieu de dresser un petit animal, l'enseignement doit, de toute nécessité, suivre l'ordre d'invention, non l'ordre d'exposition. (43) » Lefebvre soutient que l'enfant ne peut aborder « l'étude formelle de l'histoire » au cours primaire et que par conséquent le programme devrait « se borner à indiquer l'orientation générale » (73). Ceci ne signifie pas qu'il faille supprimer tout enseignement de l'histoire à ce palier. Les auteurs de programmes, les historiens spécialisés, les décideurs scolaires, les rédacteurs de manuels ou les citoyens ordinaires pourraient réfléchir sur cette idée que l'enseignement de l'histoire au primaire devrait plutôt être « une préparation à l'étude de l'histoire », sans quoi il serait préférable de « le supprimer ». Lire les nuances de pensée d'André Lefebvre dans le passage suivant.

S'il est vrai que l'enseignement de l'histoire à l'école primaire consiste à raconter de mauvaises histoires, s'il est vrai que cet enseignement contredit les principes élémentaires de la pédagogie, qu'il s'appuie sur une conception fautive de l'enfant et qu'il tend à inculquer des notions erronées sur l'homme et sur la société, il s'impose de le supprimer. Toutefois, à la lumière de la critique qui précède, à partir d'une réflexion sur l'histoire et sur l'enfant, il n'est pas impossible d'imaginer un enseignement qui constituerait tout au moins une préparation à l'étude de l'histoire (63).

Le professeur Lefebvre propose deux réflexions : l'une, sur la nature de l'histoire ; l'autre, sur la psychologie de l'enfant. Nous avons personnellement exprimé la même idée dans un article, publié dans La Revue de l'école normale en novembre 1965.

Notons. Il serait regrettable que l'essai du professeur Lefebvre passe inaperçu dans notre milieu. Une large diffusion de ce petit ouvrage devrait être assurée tant dans les écoles normales que dans les écoles publiques (primaires et secondaires).

Bruno Deshaies
Professeur
École normale Jacques-Cartier


Inédit, 1965
Version légèrement modifiée, 17 février 1999


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