Rond-Point AccueilÉducation > L'école


L'école : unité fondamentale de l'excellence en éducation*

Le point de vue d'Elliot W. Eisner.

RÉSUMÉ

L'école fait l'objet de nombreuses discussions tant dans le public en général que dans le monde de l'éducation. Le texte qui suit offre une occasion de réflexion sur la mission de l'école et de ce qu'elle est réellement dans les faits. Car c'est le fonctionnement réel de l'école qui devrait nous préoccuper plutôt que le « modèle rationnel de scolarisation ». « Dans la vie réelle, pense Elliot W. Eisner, et c'est le cas le plus souvent, la fonction de l'école est définie par l'encadrement et les limites que nous créons pour la gérer. » D'où l'importance du directeur d'école, quel que soit le mode d'organisation scolaire, pour assurer que l'école « fonctionne comme une organisation ». Ainsi, par son ouverture sur le milieu et la société, l'école peut s'enrichir des apports externes étant déjà riche de la diversité créative des contributions internes. Par conséquent, l'école est comme un organisme vivant. « Compte tenu de ces conditions, souligne Eisner, une attention particulière à la macrostructure de l'école devient cruciale pour quiconque désire élever la qualité des apprentissages et de la formation des élèves. »

Bruno Deshaies
Québec, 20 juillet 1999

Tout compte fait, l'unité la plus " naturelle " de la scolarisation est l'école. L'école, tant physiquement que psychologiquement, définit l'environnement des maîtres et des élèves. C'est l'école qui établit les structures à partir desquelles les maîtres et les élèves doivent fonctionner et qui établit un territoire distinct du reste de la vie. L'école possède un caractère physique que nulle autre structure de l'éducation ne peut réaliser : l'unité commission scolaire est trop large et la classe est une partie intégrante de la structure physique de l'école. L'école se tient comme une entité en soi; c'est quelque chose qui cimente les allégeances et procure aux élèves une identité. Mais au-delà des caractéristiques physiques de l'école et de son impact sur nos perceptions, l'école délimite tout autant un ensemble de paramètres sociaux. L'organisation physique des classes, les règlements, l'horaire des cours et le climat psychologique créent le milieu à l'intérieur duquel les buts de la scolarisation sont réalisés.

Pour que l'école fonctionne comme une organisation, une sorte de modus vivendi doit être établi, - un certain équilibre doit être assuré parmi les forces qui l'animent. À la manière d'un organisme vivant, les parties existent dans un état d'interdépendance ou de rapports multirelationnels ou transactionnels; ou bien des changements à un endroit doivent être compatibles avec le reste de la structure ou bien les forces de changement doivent être si puissantes qu'elles modifient le reste de la structure organisationnelle. Si la structure de l'école dans son ensemble résiste au changement, comme cela est vrai pour de nombreuses écoles, c'est comme si la volonté elle-même des agents de changement était transformé plutôt que l'école.

Considérons, par exemple, la manière de penser d'un maître débutant dans l'enseignement. Très souvent, les débutants commencent leur carrière avec des aspirations très grandes acquises en cours de formation initiale ou par eux-mêmes. La plupart des maîtres débutants réalisent rapidement que leurs rêves doivent être considérablement changés pour s'ajuster à l'école. Pour certains d'entre eux, l'ajustement est tellement difficile qu'il pose un problème au plan éthique, à telle enseigne qu'ils choisissent de quitter l'enseignement plutôt que de changer les fondements de leurs valeurs concernant l'éducation. Après quelques années d'enseignement, ceux qui décident de rester s'adaptent au moule institutionnel et laminent les aspérités trop rugueuses de l'idiosyncrasie de la profession. Ils deviennent un groupe bien organisé, un groupe homogène et bien adapté et qui fait ce qu'il faut pour survivre.

Parce que les pressions de l'institution sont si considérables, le problème de faire des changements à l'intérieur d'une classe ne peut être isolé des contraintes de l'école et de sa permissivité au changement. À cet égard, le directeur d'école est d'une importance majeure. Règle générale, le directeur d'école établit le climat général dans l'école et assure, de facto, l'encadrement positif ou négatif des normes de sanction, même si les règles d'un système bien établies d'évaluation ne sont pas officiellement en vigueur. Ses attentes quant à la ponctualité, l'entrée des informations scolaires, le niveau de rendement des élèves, les priorités éducatives et le reste, sont communiquées soit formellement ou informellement. D'autres facteurs, incluant la répartition du temps, l'allocation des ressources financières ou la distribution des espaces, définissent d'une certaine manière autant ce qui compte dans l'école que ce qui est possible de faire. Compte tenu de ces conditions, une attention particulière à la macrostructure de l'école devient cruciale pour quiconque désire élever la qualité des apprentissages et de la formation des élèves. Il est difficile pour un maître de pratiquer un type d'enseignement ou d'atteindre des objectifs éducatifs qui seraient quotidiennement en contradiction avec la culture dans laquelle il ou elle travaille. Presque à chaque fois, un tel maître doit s'adapter ou se retirer de l'école; seulement, et dans de très rares occasions, un maître peut changer ou altérer la macrostructure.

Ce que je suis en train de démontrer, c'est que le style de vie professionnelle du maître est fortement moulé par les caractéristiques et les structures de l'organisme vivant qu'est l'école. Dans un modèle rationnel de scolarisation, la forme de l'école, tant au plan organisationnel que physique, correspond à la mission à laquelle on est en droit de s'attendre. Dans la vie réelle, et c'est plus souvent le cas, la fonction de l'école est définie par l'encadrement et les limites que nous créons pour la gérer.

(*) Traduction de Bruno Deshaies : " The school is the basic unit of educational excellence ", in Elliot W. Eisner, The Educational Imagination. On the Design and Evaluation of Schools Programs, 2e éd., New York, Macmillan Publishing Coy, 1985, p. 373-374. Troisième édition (1994).

Commentaires

Vous pouvez faire parvenir vos réactions au « Rond-point des sciences humaines »


Page d'accueil    Commentaires  Haut  Page suivante