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Les remous péquistes

L'opposition péquiste s'anime. La motion portant sur l'enseignement de l'histoire nationale présentée par Claude Charron à l'Assemblée nationale, le 20 novembre 1974, a l'effet d'une bombe. Le ministre de l'Éducation, François Cloutier, est pris par surprise. La motion amendée est finalement adoptée à l'unanimité, le 27 novembre 1974, et elle se lit comme suit :


Que cette Assemblée recommande au ministre de l'Éducation de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que tous les étudiants québécois du secondaire soient tenus de s'inscrire, dans le cadre de la révision entreprise des programmes d'étude, à un cours d'histoire dont le contenu portera sur l'histoire du Canada et en particulier du Québec. [3]

Le 10 février 1975, la directrice générale de l'enseignement primaire et secondaire signe une directive qui établit que « l'histoire du Canada et du Québec sera dorénavant considérée comme une discipline commune devant faire partie du profil scolaire de l'élève du niveau secondaire » [4]. C'est à partir de ce moment-là que l'histoire nationale n'est plus une matière obligatoire-optionnelle en compétition avec la géographie nationale.

Avec l'élection du Parti Québécois en novembre 1976, le bal de la réforme qu'on appelait à l'époque le « renouveau pédagogique » reprend de plus bel. Le nouveau ministre de l'Éducation, Jacques-Yvan Morin, fait du service. Il entreprend de présider lui-même des audiences publiques sans se préoccuper de son entourage politique et administratif. Il fonce tête baissée dans la cage du milieu scolaire. Son sous-ministre adjoint, André Rousseau, possède la vérité et il sait lui transmettre ses quatre volontés. Ce sous-ministre a fait plus de ravage en éducation qu'aucun autre avant lui. Pendant plus de quatre ans, on se retrouvera devant de perpétuelles discussions sur de nombreuses opérations administratives qui ne feront que paralyser le fonctionnement des commissions scolaires. Les audiences publiques que le ministre de l'Éducation a personnellement présidées, ont paralysé le monde scolaire durant plus d'un an. Après quoi, le monde scolaire a dû se farcir la lecture du fameux Livre Vert qui a été suivi d'un Livre Orange et qui ont été, à leur tour, suivis de directives administratives..., et sans compter, en plus, un rapport sur les universités en plusieurs tomes. Le MEQ était au travail !

Après tout ce beau travail, le sous-ministre André Rousseau a accouché de la grille-matière des régimes pédagogiques du primaire et du secondaire. Tout un travail qui a duré des mois et des mois. Puis finalement, tout le monde apprend que les élèves sont « tenus de s'inscrire à un cours d'histoire nationale et, si possible, de géographie nationale en 3e, 4e ou 5e secondaire ». Cette obligation est toutefois immédiatement assortie de certaines exemptions [5]. Les mêmes conditions sont reportées pour l'année scolaire 1977-1978 par le sous-ministre adjoint Germain Halley qui ne fait que suivre le sillon tracé par André Rousseau [6]. Les protestations affluent et le ministère de l'Éducation dirigé par Jacques-Yvan Morin laisse ses fonctionnaires museler le directeur de l'enseignement des sciences de l'homme, monsieur Bruno Deshaies. Tout le monde est content et je quitte la Direction des programmes à l'été 1977.

De manière à faire taire les critiques de plus en plus véhémentes, le sous-ministre Germain Halley signe une autre directive le 19 mai 1977. Cette directive établit les « normes de certification des études de 5e secondaire de juin 1978 (formation générale) » en ces termes :

[D]eux unités devront être obtenues pour l'examen d'HISTOIRE 412. Les unités obtenues pour ce cours pourront à partir de juin 1978, compter parmi les 10 unités de 5e secondaire. [7]

Des examens obligatoires pour rendre l'enseignement de l'histoire nationale obligatoire. On revient à la case départ de 1966 quand par les examens objectifs du ministère de l'Éducation on voulait revaloriser l'enseignement.

Grande trouvaille ! Des examens obligatoires pour rendre l'enseignement de l'histoire nationale obligatoire. On revient à la case départ de 1966 quand par les examens objectifs du ministère de l'Éducation on voulait revaloriser l'enseignement. C'était dans cette direction que les Denis Vaugeois et Maurice Saint-Yves de l'époque s'étaient embourbés au sujet de l'enseignement de l'histoire et de la géographie.

Le 17 novembre 1978, le sous-ministre adjoint André Rousseau signe une directive portant sur l'organisation scolaire 1979/1980 qui maintient le statu quo. Il écrit solennellement « Aux commissaires et syndics d'écoles » sous le regard attentif du ministre Jacques-Yvan Morin ce qui suit :

Nous invitons bien sûr les commissions scolaires qui le pourront à amorcer l'implantation de certains programmes déjà annoncés par le Ministre [8]. C'est le cas notamment des sciences humaines à chaque degré du primaire, de l'histoire générale en 1ère secondaire, de la géographie générale en 2ième secondaire, de la géographie nationale en 3ième secondaire, de l'histoire nationale en 4ième secondaire et de l'économique en 5ième secondaire. Une telle implantation devra se faire avec prudence, en tenant compte de la qualité des ressources humaines disponibles et du fait également que la révision de ces programmes ne sera pas alors entièrement complétée. [9]

À la suite de cette directive, le ministère de l'Éducation n'a pas cessé de réécrire les programmes d'études. L'idée de proposer un programme du genre « études canadiennes » germe dans la tête de Roger Haeberlé, un directeur général par intérim. Cette idée soulève les passions. Le 26 mai 1977, la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications est saisie du problème [10]. Le projet n'aura pas de suite, mais il aura alimenté bien des inquiétudes. Et toujours l'enseignement des sciences humaines est dans le même pétrin.


  1. Procès-verbaux de l'Assemblée nationale, no 86 (27 novembre 1974). La motion de Claude Charron est amendée sur une proposition du ministre de l'Éducation, François Cloutier, puis adoptée ainsi : POUR, 65 ; CONTRE, 0. [ retour }
  2. Cf. la directive D.G.E.E.S. Adm. 75-12 (p. 1) ayant comme objet : « Organisation de l'enseignement secondaire et enseignement de l'histoire » datée du 10 février 1975 et signée par madame Kathleen Francoeur-Hendriks, directrice générale de la Direction générale de l'enseignement élémentaire et secondaire. [ Retour ]
  3. Cf. la directive 08-00-12 portant sur l'organisation de l'enseignement et datée du 6 janvier 1976 (ou D.G.E.E.S. Org. Ens. 76-3). [ Retour ]
  4. Cf. la directive 08-00-12 portant sur l'organisation de l'enseignement et datée du 23 décembre 1976. Cette directive est précédée d'une lettre du sous-ministre Germain Halley (cf. B.S.M. 76-15). [ Retour ]
  5. Voir la circulaire B.S.M. 77-16 portant sur la certification des études de juin 1978. [ Retour ]
  6. Une nouveauté dans les textes administratifs. Cette pratique administrative a été maladivement perpétuée. Ce n'est plus le Ministère, mais le Ministre. Vous avez bien lu. Les fonctionnaires savent très bien flatter l'ego des ministres qui se succèdent à la barre. [ Retour ]
  7. Voir la circulaire B.S.M. 78-40 portant sur l'organisation scolaire pour l'année 1979/1980 du 17 novembre 1978. [ Retour ]
  8. Assemblée nationale, Journal des Débats. Commissions parlementaires (2e session, 31e Législature), no 92, p. B-3346-3374. Le débat a porté sur l'intégration de l'enseignement de l'histoire et de la géographie. [ Retour ]

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