Rond-Point AccueilHistoire > Penseurs


Histoire et historiens

« 100 québécois qui ont fait le 20e siècle »

L'École historique de Montréal

Trois historiens québécois, semeurs d'idées au XXe siècle

Michel Brunet, Guy Frégault et Maurice Séguin ont formé le trio d'historiens qui, dans les années 1950, 1960 et 1970, représentaient l'École historique de Montréal. La maison d'édition Guérin s'applique à rééditer, dans la Bibliothèque d'histoire sous la direction d'André Lefebvre, les oeuvres complètes de ces trois historiens. Les québécoises et les québécois d'aujourd'hui auraient un grand intérêt à lire (ou à relire) leurs oeuvres, car elles s'enracinent à la fois dans la tradition et la modernité du Québec. L'enseignement, les interventions publiques et les écrits de ces trois historiens ont suscité chez les Canadiens Français du Québec (par opposition aux « Canadians ») une prise de conscience plus claire de leur avenir au sein du Canada, de leur présence en Amérique du Nord, dans l'espace français et dans le monde. Plus particulièrement, Guy Frégault, comme premier sous-ministre en titre au Ministère des Affaires culturelles du Québec au début de la Révolution tranquille, a fait sa marque pour inscrire le Québec dans l'espace communautaire français et infléchir notre présence en Amérique du Nord (cf. Chronique des années perdues, Montréal, Leméac, 1976, 251 p.).

La population québécoise d'aujourd'hui, composée d'éléments culturels plus variés qu'hier, ne peut impunément ignorer l'histoire des Canadiens Français du Québec. Malgré les transformations de la société québécoise, la population du Québec d'aujourd'hui ne peut échapper à cette histoire en dépit du discours du commun usage qui voudrait faire des québécois et des québécoises une collectivité « nouvelle » qui serait sans pareil dans le monde. Un nouveau « messianisme » serait en train de naître, après celui de la sauvegarde des valeurs spirituelles, dont les Canadiens Français auraient été les dépositaires, hier, contre les effets pervers du matérialisme américain. La francophonie nord américaine d'aujourd'hui se voudrait être une francophonie transnationale. Par ailleurs, la culture publique commune transcenderait les ethnies québécoises de quelque importance qu'elles soient. Ce rêve, pastiché sur le bilinguisme et le multiculturalisme à la Trudeau, devrait être confronté sérieusement avec les travaux de l'École historique de Montréal.

Les historiennes et les historiens actuels ne rendent pas service à la collectivité québécoise en ignorant sciemment la contribution fondamentale de l'École historique de Montréal à la compréhension de la société québécoise. S'il y a eu un véritable « Refus Global » au Québec, ce fut bien celui de l'École historique de Montréal. Que les sceptiques prennent la peine de lire ces trois historiens avant de porter des jugements péremptoires et souvent sans fondement.

Les partisans de l'école actuelle du sociologisme et du culturalisme et les théoriciens de la nation québécoise qui prennent l'État du Québec comme un État indépendant, devraient se demander si le débat québécois qu'ils font se situe dans le régime ou sur le régime. Les problèmes socioculturels sont inhérents à tous les systèmes sociaux qu'ils soient des États-Nations, des États fédérés ou autres ; par contre, les nations soulèvent des problèmes qui impliquent des rapports entre des collectivités plus ou moins organisées, plus ou moins libres ou plus ou moins annexées. Dans le cas de l'État-Nation, le gouvernement souverain cherche à se maintenir comme pouvoir légitime en utilisant les moyens appropriés pour assurer la stabilité et la cohésion de la société civile (cf. la nation au sens étatique, juridique, dans Les Normes, 3,2,2).

L'enquête de L'Actualité
Les maîtres du 20e siècle. Semeurs d'idées.

Par Josée Boileau

Pionniers de la connaissance, ils n'ont eu de cesse de vaincre la morosité intellectuelle et d'annoncer le Québec moderne.

(Cf. L'Actualité, février 1999.)

Lionel Groulx

« Avant Lionel Groulx, l'histoire du Canada ne s'enseignait pas. C'est lui qui a donné le premier cours, à l'Université de Montréal, en 1915 », dit Hélène Pelletier-Baillargeon, de la Fondation Lionel-Groulx.

D'abord abbé puis chanoine, Groulx s'était donné comme mission de sauvegarder le fait français en Amérique. Il s'en acquittera à titre d'historien en jetant les bases scientifiques de la discipline. Mais c'est surtout son infatigable militantisme qui lui vaudra la célébrité.

  • Association de la jeunesse canadienne-française
    Création en 1904.
  • L'Action française
    Permier directeur de la revue en 1920.
  • Institut d'histoire de l'Amérique française
    Fondation de l'Institut en 1946 et puis de la revue du même nom.

Lionel Groulx multipliera les écrits polémiques - encore discutés et dénoncés! -, séduira par ses discours et se fera le porte-flambeau du nationalisme canadien-français. « Il n'y a pas d'indices de la Révolution tranquille dans son oeuvre, mais tous les artisans de celle-ci se sont nourris de cette conscience historique dont il a maintenu la flamme toute sa vie », dit Hélène Pelletier-Baillargeon.

Maurice Séguin

Professeur d'histoire à l'Université de Montréal, il développera une théorie qui fait encore écho aujourd'hui : la Conquête de 1760 comme cassure du développement de la nation canadienne-française.

« Maurice Séguin, c'est la caution historique de l'idée d'indépendance ! Sa thèse du conflit entre les anglophones et les francophones depuis la Conquête est contestée par les historiens, mais c'est une vision qui perdure dans nos débats politiques actuels », dit l'historien Jacques Rouillard au sujet de la portée de ce qu'on a appelé l'École de Montréal, formée du trio Maurice Séguin, Michel Brunet et Guy Frégault.

Les travaux de Frégault sur les débuts et les personnages de la Nouvelle-France nourriront Séguin, dont les idées seront relayées par les nombreux écrits de Michel Brunet, professeur puis directeur du département d'histoire de l'Université de Montréal. Séguin, lui, publiera peu. Mais il diffusera ses idées à des générations d'étudiants.

SOURCE : Extraits des « 100 Québécois qui ont fait le 20e siècle. Les maîtres du 20e siècle. Semeurs d'idées. » L'Actualité, vol. 24, no 2 (février 1999).

Quatre historiens du Département d'histoire de l'Université de Montréal

Classés parmi les « semeurs d'idées » selon l'enquête de L'Actualité.

Michel Brunet, Guy Frégault, Lionel Groulx et Maurice Séguin

Faut-il rappeler, en terminant, que l'enquête de L'Actualité a choisi quatre professeurs du Département d'histoire de l'Université de Montréal parmi les « semeurs d'idées » au Québec, durant le XXe siècle ? Fait singulier dont il serait urgent de prendre acte. Mais l'espèce de négationnisme à l'endroit de ces historiens, sauf pour quelques tentatives de récupération du travail d'historien de Lionel Groulx, n'augure rien de bon au sein de la profession historienne. Sait-on, parmi les historiennes et les historiens, pourquoi on se sent si allergique à l'étude de la « grande histoire » ? Sait-on pourquoi on se refuse à prendre contact avec ces quatre historiens ? Qu'est-ce qui chatouille autant leurs esprits ? Des réponses s'imposent.

NOTE : Nous remercions Guérin, éditeur, de nous accorder la permission de publier les photos de messieurs Brunet, Frégault et Séguin.

Vos commentaires

Vous pouvez écrire votre point de vue au Rond-Point des sciences humaines.



Bruno Deshaies
Québec, 21 mai 1999


Page d'accueil  Commentaires  Haut

© Le Rond-Point des sciences humaines, 1999
Bruno Deshaies, info@rond-point.qc.ca