Rond-Point Didactique Au secondaire / Histoire Pédagogie, histoire nationale (au Québec) et éducation civique


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L'enseignement de l'histoire : un enseignement impossible ou possible?

En complément à cette étude de Lefebvre (1976/1978), l'internaute pourrait apprécier De l'enseignement de l'histoire (1996) qui offre une synthèse fort intelligente des problèmes liés à l'enseignement/apprentissage de l'histoire. L'idée principale de Lefebvre est que l'histoire est histoire, d'une part, et que l'élève est élève, d'autre part. C'est incontestablement une évidence ; malheureusement, elle est souvent oubliée par les psycho-pédagogues, les didacticiens et même les historiens. Et que dire des technocrates du ministère de l'Éducation ?

Parmi les principales conclusions de ses recherches, il en est une qui se rapporte à la conscience historique, la conscience sociale et la conscience nationale. Le lecteur pourra remarquer, à la lecture de la citation suivante, les nuances que le professeur Lefebvre apporte au sujet de l'élève et de l'enseignement de l'histoire.

Certes, sans véhiculer toute l'histoire, l'enseignement de l'histoire est histoire, et l'élève est historien même sans posséder la maîtrise de qui fait métier d'historien. L'enseignement de l'histoire est histoire puisque, même s'il arrive à l'enseignant d'y faire obstacle, l'enseignement vise à aider l'élève à se donner lui-même un certain savoir historique, et d'abord, et surtout, à le mettre à même de pratiquer la démarche permettant d'approcher l'histoire. Il reste, toutefois, que l'école n'est pas un département d'histoire universitaire et que l'enseignant d'histoire a d'abord comme mission d'aider à former des hommes et des citoyens. Lorsqu'on parle d'histoire à l'école, on n'est pas que sur le plan de la science : on est aussi sur le plan de l'éducation. C'est en ce sens que des historiens affirment que l'histoire, à l'école, « sans être un instrument de prédication ou de propagande, peut en même temps avoir une valeur éducative ». Et il est sans doute faux de prétendre que « le civisme, le patriotisme, la compréhension nationale et internationale ne peuvent en aucune façon être assignés comme buts de l'enseignement de l'histoire ». Certes, le civisme, le patriotisme, la compréhension nationale et internationale ne sont pas des buts de l'histoire, qui, comme toute science, vise la seule connaissance du réel, mais ils peuvent et doivent être des buts de l'enseignement de l'histoire à l'école. (Cf. De l'enseignement de l'histoire, Montréal, Guérin, 1995, p. 164-165.)

Lefebvre fait la distinction entre les buts de l'histoire et les buts de l'enseignement de l'histoire à l'école. Cette distinction souligne, à notre avis, non pas l'opposition mais la complémentarité entre l'apprentissage de l'histoire comme science et les valeurs pédagogiques qu'elle peut véhiculer en tant que discipline. Il reste que le chemin allant DE LA CONNAISSANCE (ou des savoirs) À L'ACTION (ou aux faires) demeure toujours mystérieux.

Les comportements des individus, tout comme leurs manières de penser et de vivre, ne peuvent être programmés une fois pour tout. Vu de cette manière, l'éducation à la citoyenneté demeure et demeurera toujours un projet chimérique. Par exemple, les objectifs des programmes d'enseignement des sciences de la nature devaient nous préserver un jour de la pollution de la planète. Où sommes-nous rendus aujourd'hui dans ce domaine ? Les enseignements religieux devaient ou devraient nous rendre meilleurs. Où sommes-nous rendus aujourd'hui dans cet autre domaine ? De nombreuses réformes de l'enseignement de l'histoire devaient ou devraient nous faire mieux connaître notre histoire. Où sommes-nous rendus aujourd'hui après de multiples réformes de programmes ? Compte tenu de l'état récurrent de cette question, ne serait-il pas urgent de miser plutôt sur les rapports de la formation de l'esprit au monde plutôt que sur l'apprentissage de bons comportements dans le monde ? Les bons comportements, c'est comme les bons consommateurs. Au fait, c'est quoi un « bon consommateur » dans une économie marchande ? C'est quoi aussi un « citoyen averti » dans une société de « consommation de masse » et de médias de plus en plus « oligopolistiques » ? On voit poindre la pensée manichéenne qui est à l'opposée de l'enseignement de l'histoire comme passé historique et comme science.


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