Rond-Point Histoire Histoire du Québec (1760 à nos jours) Présent et avenir / "Rapport Massey et le nationalisme canadian"


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Réaction de l'historien Michel Brunet en 1952

Michel Brunet, « Le Rapport Massey : réflexions et observations », in L'Action universitaire, 18 (janvier 1952), 39-47. Reproduit dans Canadians et Canadiens, Montréal, Fides, 1955, p. 47-58, sous le titre : « Une autre manifestation du nationalisme Canadian : Le Rapport Massey ».


Extraits:

Faire éclore un véritable canadianisme. Qui, au Canada, ne partage pas cette noble ambition ? Cependant, il faut se rappeler que le mot canadianisme n'a pas le même sens pour un Canadien de langue anglaise et pour un Canadien de langue française. Quelques observateurs superficiels louent le « franc nationalisme canadien » du Rapport Massey. [...]

Être une nation minoritaire, c'est vivre dangereusement. Ne l'oublions pas.

Pas plus aujourd'hui qu'il y a dix, trente, cinquante ou cent ans, il n'est question de renoncer à ce qui a été la raison de vivre d'un Canada distinct des États-Unis. Plus que jamais, le Canada anglais est convaincu qu'il doit lier son sort à celui du Commonwealth des nations britanniques. En affirmant son caractère et sa tradition britanniques, il a conscience de mieux s'armer contre l'influence américaine. La politique actuelle d'immigration nous édifie sur ce point : ceux qui en sont responsables ne cachent pas leur intention de conserver à notre pays le caractère ethnique de la majorité. [...]

Le Canada, répète-t-on sans se lasser, a besoin d'unité. C'est le but que l'on poursuit dans l'ordre économique, social, politique et, finalement, culturel. L'ennui c'est qu'il y a deux Canadas : le Canada anglais et le Canada français. Lord Durham a crut que le second disparaîtrait. Il est encore là, même s'il n'a jamais pesé bien lourd dans la balance. [...]

La note dominante, cependant, dans la pensée anglo-canadienne contemporaine, c'est la recherche de l'unité, au risque même d'atteindre à l'uniformité. C'est du nationalisme Canadian. Le Rapport Massey se montre peu enthousiaste envers le régionalisme. [...]

Les Canadiens français deviennent méfiants chaque fois que leurs partenaires de la Confédération parlent d'unité canadienne. Trop souvent - pour ne pas dire toujours - nous avons été appelés à payer les frais de cet idéal. [...]

Les partisans du nationalisme Canadian et de la centralisation fédérale ne désespèrent pas de gagner l'appui de la majorité des électeurs canadiens-français. Ils n'ont pas complètement tort. Rien de plus facile que de convaincre la masse qu'elle n'a rien à perdre et tout à gagner en confiant des pouvoirs de plus en plus grands au gouvernement d'Ottawa. On fait miroiter de nombreux avantages dont quelques-uns ne sont plus de simples promesses électorales : pensions de vieillesse, assurance-chômage, allocations familiales, aide à l'enseignement secondaire et supérieur, assurance-santé, code national du travail, etc. La tentation est forte et la nature humaine est faible. L'étatisme fédéral nous guette et nous ne sommes pas des héros. [...]

[CONCLUSION]

Le rapport Massey nous rappelle, une fois de plus, que nos concitoyens britanniques suivent une politique logique, consciente, dont l'idéal élevé est bien propre à soulever l'enthousiasme des âmes généreuses. Le nationalisme Canadian triomphe. Il a le souffle dans ses voiles. Tout naturellement, les Canadians comptent sur notre collaboration. Avant de répondre, sachons au moins dans quelle voie nous nous engageons. Être une nation minoritaire, c'est vivre dangereusement. Ne l'oublions pas.


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